Aimer, Vouloir, Pouvoir
- piednoir
- 6 sept.
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Trois verbes. Trois forces de vie. Trois clés pour avancer.Ils paraissent simples, presque évidents, comme trois pierres polies par la rivière de nos jours. Et pourtant, ils portent en eux la trame d’un destin : aimer, vouloir, pouvoir. Ce ne sont pas que des mots d’école, ce sont des outils, des boussoles, des sources. Ils nous ramènent à l’essentiel lorsque l’on s’éparpille, ils nous relèvent lorsque l’on chute, ils éclairent la route lorsque la nuit s’invite dans les couloirs de nos pensées.

Aimer : la source chaude sous la glace
𝐚𝐢𝐦𝐞𝐫, c’est reconnaître ce qui nous anime profondément. Ce n’est pas un slogan, ni un embellissement de calendrier : c’est un travail humble et intime. Aimer, ce n’est pas seulement aimer les autres, mais aussi aimer ce que l’on fait, aimer apprendre, aimer progresser. Car sans cet élan du cœur, la route paraît bien lourde, et la vie ressemble à une marche militaire où l’on compte les pas au lieu de sentir la terre. Aimer, c’est ce moment où, face à l’ordinaire, quelque chose en nous se met à battre plus fort : une mélodie, un geste bien fait, une conversation qui réchauffe, une tâche petite mais juste. C’est la source chaude qui continue de couler même quand l’hiver a gelé les bords.
Aimer, c’est d’abord reconnaître. Reconnaître ce qui nous met en joie, ce qui nous fait perdre la notion du temps, ce qui recharge nos batteries silencieusement. Souvent, on croit que l’amour est tonitruant, spectaculaire. Il l’est parfois. Mais le plus souvent, il est discret : un plaisir à bien ranger, à comprendre une mécanique, à transmettre un savoir, à tenir une main, à trouver le mot juste. Aimer, c’est aussi se reconnaître. Se dire : « Là, je suis à ma place. » Non pas parce que tout est facile, mais parce que ce que je fais a du sens pour moi, et que mon effort devient prière.
Aimer demande du courage. Oui, car aimer oblige : cela nous met devant la responsabilité de nourrir ce que l’on aime. Qui aime l’apprentissage sait qu’il devra étudier encore, qui aime aider sait qu’il devra se préserver pour mieux offrir, qui aime créer sait qu’il devra affronter le doute, la page blanche, les regards. Aimer est une racine et une promesse. Une racine parce que cela ancre ; une promesse parce que cela appelle.
Il n’y a pas de petite flamme. Il y a des flammes mal abritées. Aimer, c’est bâtir un abri pour sa flamme. Cela peut vouloir dire réorganiser ses journées, refuser le superflu, dire non à l’inutile pour dire oui à l’essentiel. Aimer, c’est choisir. Et choisir, c’est renoncer — mais renoncer à ce qui ne nourrit pas, pour se réserver à ce qui fait grandir.
Vouloir : l’élan qui tranche l’air
𝐕𝐨𝐮𝐥𝐨𝐢𝐫, c’est transformer cet amour en intention. Quand le cœur a parlé, vient l’heure de la bouche qui dit « oui », du corps qui s’oriente, de la main qui signe, de la jambe qui se met en marche. Vouloir, c’est dire « oui » à la vie, aux projets, aux opportunités. C’est assumer un désir, une direction. Vouloir, c’est oser se positionner, même dans l’incertitude.
On confond parfois vouloir et s’agripper. Vouloir n’est pas serrer les poings jusqu’au sang ; vouloir est ouvrir la main pour tenir le volant. Ce n’est pas une rigidité—c’est une tension orientée, souple, vive. Vouloir, c’est prendre le risque d’échouer, bien sûr, mais c’est surtout prendre la responsabilité d’essayer. C’est accepter d’être visible : visible dans ses choix, dans ses erreurs, dans ses recommencements.
Vouloir, c’est la mise au monde d’un cap. On pourrait rester des années à se demander si la mer sera calme ; vouloir, c’est hisser la voile. L’intention ne garantit pas l’arrivée — mais elle garantit la traversée. Et la traversée change le voyageur autant que la destination. Vouloir, c’est renommer ses peurs : non plus des murs, mais des seuils. C’est accepter la météo intérieure en gardant le cap.
Il y a des « vouloir » qui s’étiolent parce qu’ils ne sont pas nourris. Un vouloir sans rituel s’effondre. Il faut lui offrir des gestes : écrire son intention sur une feuille, fixer une première date, appeler une personne, réserver un créneau, préparer son sac. Les grandes décisions s’enracinent dans de petits gestes répétés. On n’escalade pas la montagne par un saut héroïque, mais par mille pas qui disent : « je continue ».
Vouloir suppose un « non » courageux autant qu’un « oui » enthousiaste. Dire « oui » à sa direction, c’est dire « non » aux directions concurrentes, même séduisantes. C’est refuser les dérives, les comparaisons stériles, l’obsession d’être partout. Vouloir, c’est exister pleinement quelque part.
Pouvoir : l’art d’habiter ses moyens
𝐏𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫, enfin, c’est mettre en action nos ressources, nos talents, nos soutiens. Ce n’est pas posséder toutes les clés d’un coup, mais croire qu’on peut en trouver, qu’on peut apprendre, qu’on peut se relever après chaque chute. Pouvoir n’est pas domination : c’est capacité. Capacité à mobiliser, à demander, à apprendre, à s’ajuster. C’est l’art discret de fabriquer des possibles.
Le pouvoir véritable se nourrit de trois ingrédients : la compétence, l’environnement, l’alliance. La compétence se construit : on passe du « je ne sais pas » au « je ne sais pas encore », puis au « je m’en sors », jusqu’au « je transmets ». L’environnement se soigne : on aménage son espace, on simplifie ses outils, on crée des routines qui soutiennent au lieu d’épuiser. L’alliance se cultive : on ne réussit pas seul. Il y a des mains qui nous tirent, des regards qui nous valident, des épaules où s’appuyer. Savoir demander de l’aide, c’est un pouvoir.
Pouvoir, c’est aussi accepter ses limites. Non pour s’y enfermer, mais pour mieux composer. Le violon ne deviendra pas trompette ; mais quel miracle lorsqu’il joue sa partition ! Reconnaître sa spécificité, c’est cesser de perdre du temps à devenir quelqu’un d’autre. On peut tout apprendre ? Non. On peut beaucoup apprendre, si l’on respecte sa matière. Le pouvoir se révèle dans la lucidité : je suis ici, je dispose de cela, je peux faire ce premier pas.
Le pouvoir grandit au rythme de l’action. La confiance n’est pas un prérequis : elle est souvent une conséquence. On attend d’être sûr pour agir ; on devient sûr parce qu’on a agi. C’est au contact du réel que nos muscles naissent. Pouvoir, c’est accepter d’être maladroit avant d’être habile, apprenti avant d’être maître, tâtonnant avant d’être fluide. C’est honorer le chemin.
Quand les trois s’alignent
Lorsque ces trois verbes s’alignent, un chemin s’ouvre : aimer ce qu’on est, vouloir devenir ce qu’on pressent, et pouvoir s’en donner les moyens. L’alignement n’est pas un miracle tombé du ciel, c’est un tissage quotidien. On revient à la source (aimer), on relance l’élan (vouloir), on affine l’outil (pouvoir). On écoute, on décide, on agit. On ajuste à la lumière des retours. On garde le cap en acceptant les détours.
Imaginons. Une personne aime transmettre. Elle le sent depuis toujours : lorsqu’elle explique, elle s’éclaire elle-même. Un jour, elle décide : elle veut faire de cette joie une direction. Elle choisit de proposer des ateliers, d’offrir du tutorat, de postuler à une formation. Elle mobilise ensuite son pouvoir : elle apprend la pédagogie, elle cherche des mentors, elle s’équipe d’outils simples, elle crée un petit cercle d’essai. Rien n’est parfait, mais tout vibre. Elle n’a pas tout, mais elle avance. Parce que la source, l’élan et l’outil dialoguent.
L’alignement n’exclut pas la fatigue, ni l’ennui par moments, ni les jours de doute. Il offre cependant une stabilité intérieure : même si c’est difficile, je sais pourquoi je le fais. Et ce « pourquoi » redonne au « comment » sa souplesse. On devient moins fragile aux regards extérieurs, moins dépendant des likes et des notes ; on revient à la joie de l’œuvre et non à l’obsession du résultat.
Trois pratiques pour habiter ces verbes
𝐑𝐢𝐭𝐮𝐞𝐥 𝐝’𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫 : chaque matin, noter une chose que l’on aime faire ou apprendre, et lui offrir vingt minutes dans la journée. Vingt minutes qui valent de l’or. Les grandes fidelités se construisent avec ces petites offrandes.
𝐑𝐢𝐭𝐮𝐞𝐥 𝐝𝐞 𝐯𝐨𝐥𝐨𝐧𝐭𝐞 : chaque semaine, choisir un objectif clair et modeste, le formuler au présent (« Cette semaine, je termine X ») et le découper en trois actions datées. Le vouloir s’épaissit quand il rencontre le calendrier.
𝐑𝐢𝐭𝐮𝐞𝐥 𝐝𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫 : chaque mois, faire l’inventaire de ses moyens. De quoi ai-je besoin pour la suite ? Qui puis-je solliciter ? Quelle compétence renforcer ? Quel outil simplifier ? Le pouvoir croît avec la clarté.
Des obstacles… et des réponses
— 𝐋𝐚 𝐩𝐞𝐮𝐫 𝐝𝐞 𝐧𝐞 𝐩𝐚𝐬 𝐞̂𝐭𝐫𝐞 𝐚̀ 𝐥𝐚 𝐡𝐚𝐮𝐭𝐞𝐮𝐫.Réponse : viser la hauteur juste, pas l’idéal fantasmé. On commence là où l’on est, avec ce que l’on a, comme on peut. Le « mieux » se trouve en marchant.
— 𝐋𝐞 𝐩𝐞𝐫𝐟𝐞𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧𝐧𝐢𝐬𝐦𝐞 𝐩𝐚𝐫𝐚𝐥𝐲𝐬𝐚𝐧𝐭.Réponse : adopter la règle des itérations. Version 1 aujourd’hui, version 2 demain. Le monde ne juge pas une ébauche ; il accueille une progression.
— 𝐋𝐚 𝐬𝐨𝐥𝐢𝐭𝐮𝐝𝐞.Réponse : chercher l’alliance. Un binôme, un groupe, un mentor. La présence d’un autre multiplie les forces et apaise les peurs. On se prête du courage.
— 𝐋𝐚 𝐟𝐚𝐭𝐢𝐠𝐮𝐞.Réponse : respecter le corps. Le pouvoir s’effondre quand le corps est ignoré. Dormir, marcher, boire de l’eau, respirer. Le courage se recharge dans la physiologie.
Trois métaphores pour s’en souvenir
— 𝐋𝐞 𝐣𝐚𝐫𝐝𝐢𝐧. Aimer, c’est choisir ce que l’on plante ; vouloir, c’est décider du plan du potager ; pouvoir, c’est retourner la terre, arroser, protéger du gel. Le fruit vient parce que l’ensemble travaille.
— 𝐋𝐚 𝐧𝐚𝐯𝐢𝐠𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧. Aimer, c’est savoir pourquoi on prend la mer ; vouloir, c’est tracer la route ; pouvoir, c’est lire le ciel, régler la voile, réparer à bord. La tempête n’est plus une ennemie, mais une leçon.
— 𝐋𝐚 𝐦𝐮𝐬𝐢𝐪𝐮𝐞. Aimer, c’est entendre le thème ; vouloir, c’est choisir la tonalité ; pouvoir, c’est pratiquer, reprendre, accorder, jouer avec d’autres. L’harmonie est un dialogue.
Des gestes concrets, ici et maintenant
• Écrire une lettre à soi-même commençant par : « Ce que j’aime profondément, c’est… » sans s’arrêter pendant dix minutes. Laisser venir, sans censure.• Choisir un projet minuscule à réaliser en trois jours : une page, une marche, un appel, un prototype. Le vouloir adore le concret.• Faire une carte des soutiens : qui peut m’aider ? même un peu ? Noter les noms, oser demander, remercier. Le pouvoir se tisse avec des fils humains.• Simplifier : supprimer une tâche inutile pour dégager une heure d’énergie. Le pouvoir aime l’espace.• Célébrer les micro-victoires : pas par vanité, par hygiène. Reconnaître que l’on avance entretient la flamme.
Et quand tout semble se dérober
Il y aura des jours où aimer paraîtra difficile, où vouloir s’émoussera, où pouvoir s’effritera. Ces jours-là, on revient au plus petit possible. Aimer : trouver un détail qui fait du bien. Vouloir : décider d’un seul pas. Pouvoir : s’équiper du strict nécessaire et sortir. On n’a pas perdu la bataille ; on est simplement dans un pli du relief. Le courage n’est pas l’absence de faille ; c’est la persévérance des gestes simples.
Un secret : la gratitude. Non pas pour nier la douleur, mais pour garder les yeux ouverts sur ce qui tient encore. Remercier pour une main tendue, pour un livre, pour un rayon de soleil sur le bureau, pour une phrase qui accompagne. La gratitude nourrit l’amour ; l’amour réveille la volonté ; la volonté active le pouvoir.
L’éthique du chemin
Aimer, vouloir, pouvoir : ces verbes deviennent dangereux s’ils oublient la relation. Aimer sans respect étouffe, vouloir sans éthique écrase, pouvoir sans partage corrompt. Alors on ajoute une promesse : que ces verbes serviront la vie, pas l’ego ; la construction, pas la domination ; la rencontre, pas la conquête. Aimer pour relier. Vouloir pour orienter. Pouvoir pour réaliser ensemble. Il n’y a pas de réussite durable sans responsabilité.
Prendre soin du monde commence par prendre soin de ce que l’on aime, de ce qu’on décide, et de la manière dont on agit. Ce que nous faisons nous façonne. Nos verbes construisent notre visage. On ne devient pas « quelqu’un » par miracle ; on devient la somme des petits choix répétés.
Un appel, doux mais ferme
Alors, rappelons-nous chaque jour :
👉 𝐀𝐢𝐦𝐞𝐫, c’est la source. Elle coule en nous même quand nous l’oublions. Revenons-y, comme on revient au puits.👉 𝐕𝐨𝐮𝐥𝐨𝐢𝐫, c’est l’élan. Il fend l’air et donne forme à nos plus beaux « oui ». Entre tentation et peur, il ouvre un passage.👉 𝐏𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫, c’est l’accomplissement. Non pas une toute-puissance, mais une fidélité en actes. Un artisanat de soi.
À vous qui lisez ces lignes : osez conjuguer ces verbes à votre manière. Ne demandez pas la permission de vivre ; offrez-vous la permission d’essayer. Commencez petit, commencez là, commencez maintenant. Écoutez ce que vous aimez, dites-le à voix haute, faites un premier pas. Parce que c’est ainsi que naissent les réalisations qui changent une vie… et parfois, le monde. 🌍
Et si vous doutez encore, souvenez-vous : le monde n’attend pas des êtres parfaits, mais des êtres en route. Choisissez votre flamme, nommez votre cap, rassemblez vos moyens. Un jour, vous vous retournerez et vous verrez le chemin parcouru. Il aura votre forme, votre couleur, votre musique. Et vous saurez, sans fanfare, que vous avez honoré vos trois verbes. Aimer. Vouloir. Pouvoir.
Christophe PIEDNOIR
Accompagner les Personnes dans leur Insertion Sociale et Professionnelle ▶️ Conseiller en Insertion Professionnelle en Devenir ▶️ Expertise en santé ▶️ Bienveillance, Proactivité et Impact



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