Est ce Que la Réalité Existe ?
- piednoir
- 18 juin
- 5 min de lecture
"Est-ce que la réalité existe ?"
C’est une question que je me suis posée un matin, en buvant mon café, les yeux perdus dans le vide. Elle m’a traversé comme une décharge, d’abord douce, presque amusée puis de plus en plus sérieuse. C’est une question d’enfant, d’angoissé, de philosophe, de fou, de poète. Ou peut-être de tout ça à la fois.
J’ai longtemps cru que la réalité, c’était ce qu’on pouvait toucher. Ce qu’on voyait. Ce qui ne changeait pas. Je me trompais.
Quand on a connu la dissociation, les troubles de l’humeur, les instabilités, la précarité, la perte, on apprend vite que la réalité n’est pas toujours d’accord avec soi. Elle fuit, elle se déforme, elle se tait. Et pourtant, on continue à marcher. À parler. À aimer. À chercher un point fixe, un repère, une vérité à laquelle se raccrocher.
Dans cet article, je ne vais pas t’apporter de réponse définitive. Mais je vais te livrer des morceaux de ma vie, des moments de flou et de lumière, des interrogations, des contradictions aussi. Parce que c’est peut-être ça, ma réalité : une tension permanente entre ce que je ressens et ce que je pense. Entre ce que je vis et ce que je montre.
Et si la réalité, ce n’était pas ce qui est, mais ce que l’on tient debout malgré tout ?
Bienvenue dans mes réflexions. Prends une tasse. On commence.

La réalité : de quoi parle-t-on ?
La réalité. Le mot semble simple. Il est pourtant glissant comme un savon mouillé. Selon qui le dit, selon quand, selon le lieu, il ne veut pas dire la même chose. Pour certains, la réalité est ce qu’il faut affronter. Pour d’autres, ce qu’il faut fuir. Pour moi, elle a longtemps été ce que je ne comprenais pas.
Il y a la réalité objective : celle qu’on peut mesurer, photographier, décrire. Celle que la science tente de délimiter. Et il y a la réalité subjective : celle que chacun vit, ressent, interprète.
Nos sens, notre état psychique, nos blessures, nos croyances filtrent en permanence ce que nous appelons "le réel". Deux personnes peuvent assister à la même scène et en garder un souvenir radicalement différent. L’une aura perçu une tension, l’autre une simplicité. Qui a raison ? Peut-être les deux.
Les personnes atteintes de troubles psychiques le savent : la réalité peut devenir mouvante, poreuse, fuyante. Quand on dissocie, quand on hallucine, quand on se sent déconnecté, le monde se déforme. Le temps aussi. On ne sait plus très bien où l’on est. Et pourtant, on y est.
Je me souviens de moments où je marchais dans une rue familière, mais où tout semblait faux. Comme une décoration mal collée. Mon corps y était, mais pas mon esprit. Mon cœur battait, mais à côté. J’étais dans une réalité que personne ne voyait.
Ce n’est pas que la réalité n’existe pas. C’est qu’elle n’existe jamais seule. Elle est toujours colorée par une conscience, un corps, une histoire.
Réalités intérieures : quand l’esprit bascule
Il y a une quinzaine d’années, j’ai vécu ce qu’on appelle une bouffée délirante aiguë. C’est un moment où le cerveau, probablement trop saturé, trop fatigué, trop seul, débranche la prise. Et décrète sa propre réalité.
Je croyais qu’on m’épiait. Que je devais fuir. Que je risquais quelque chose. C’était réel, pour moi. Irréfutable. J’étais entré dans une histoire dont j’étais le héros, le fuyard, l’illuminé. Tout me semblait logique. Et tout était faux.
Ce moment de bascule m’a marqué à vie. Il m’a appris que la réalité peut se créer de toutes pièces, comme un rêve qu’on ne sait plus quitter.
Mais il m’a aussi appris l’humilité. Ce que vit une personne en dépression, en crise, en état de stress aiguë, n’est pas "dans sa tête". C’est sa réalité. Et nier cela, c’est nier sa souffrance.
La psychiatrie parle de "perte de contact avec la réalité". Mais avec quelle réalité ? Celle de la norme ? Celle de la majorité ? Celle du médecin ?
Parfois, il faut tomber pour comprendre que d’autres vivent déjà à genoux.
Réalité et marche : Compostelle, solitude et présence
En 2014, j’ai marché 1700 kilomètres à pied, seul, vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Une décision qui était une tentative de me retrouver.
Quand on marche seul des heures durant, le monde change. Les pensées ralentissent. Le corps prend le dessus. On voit les choses simples : un arbre, un nuage, une pierre, une vache. On sent la douleur du dos, la soif, le froid. Et pourtant, quelque chose se dégage. Une forme de réalité primitive, concrète, nue.
Mais même là, je doutais. Étais-je en train de vivre quelque chose de profond, ou étais-je juste en train de fuir ma vie, mes réalités désagréables ?
J’ai gardé des souvenirs de ce voyage. Comme si mon esprit avait flotté à côté de moi. Parfois, je me demande si j’ai vraiment marché, ou si j’ai rêvé cette histoire.
Mais je sais que mes pieds, eux, s’en souviennent.
La marche, c’est peut-être la réalité du corps, quand l’esprit s’égare. C’est le rythme, le souffle, la terre. C’est le ça, ici, maintenant. Rien d’autre.
L'insertion professionnelle : quelle réalité pour les personnes vulnérables ?
Aujourd’hui, je suis en reconversion vers le métier de Conseiller en Insertion Professionnelle. Et je me rends compte que cette question de la réalité est au cœur du métier.
Quelle est la réalité d’un jeune décrocheur ? D’un senior qui ne trouve plus sa place ? D’un réfugié qui ne parle pas la langue ? D’une personne en situation de handicap invisible ? D’un parent solo ? D’un ancien détenu ?
Chacun vit sa réalité, faite de contraintes, de peurs, de ressources aussi. Et notre rôle, ce n’est pas d’imposer notre réalité, ou une pseudo-réalité "du marché", mais d’accueillir la leur, de composer avec, de l’éclairer, parfois de l’élargir.
La réalité, dans l’insertion, c’est ce fil ténu entre le rêve d’un avenir meilleur et la dureté de l’instant. Entre les cases administratives et les êtres humains.
Et si accompagner, c’était simplement ne pas nier ce que l’autre vit, mais partir de là, en confiance ?
Conclusion : vivre, c’est composer
Alors, est-ce que la réalité existe ?
Je ne sais pas. Ou plutôt, je crois qu’il y a autant de réalités que de cœurs battants.
La mienne est parfois instable. Sensible. Ébréchée. Mais elle est là. Et je choisis de la raconter. Parce qu’en racontant, on partage une boussole. On dit à l’autre : "Tu n’es pas seul."
Et toi, ta réalité, elle ressemble à quoi aujourd’hui ?
Christophe PIEDNOIR
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